Je traîne dans les rues touristiques du côté de Galatha et achète des babioles pour la famille.
Une limonade dans le restaurant du premier soir me met en discussion avec le chef de rang qui m’a reconnu et se rappelle même ce que j’ai mangé. Lui est Kurde, il y a une serveuse Turkmène, et un autre serveur Ouzbèque. Istamboul est à la hauteur de sa réputation.
Taxi ronchon vers l’aéroport, pas de problème avec le vélo, et en route pour retrouver F à Lyon St-Ex pour le retour à la maison.
Il ne faut pas oublier que le but de cette expédition, ce n’est pas Istamboul, mais la partie asiatique d’Istamboul. L’idée, c’est d’aller passer le pont sur le Bosphore. Le problème avec les cartes, c’est qu’elles n’ont que 2 dimensions, alors qu’au sol, cela peut être très différent…
En essayant d’approcher du pont par le quartier Marmaray, je grimpe une fois de plus des côtes à plus de 10% (sans les bagages, il est vrai), et me retrouve plus haut que le pont. Marche arrière pour récupérer une bretelle d’accès. Manqué, la police l’a annexée et elle est fermée.
Demi-tour donc pour revenir plus bas sur une autre bretelle qui présente l’inconvénient d’avoir une voiture de police à la jonction avec l’entrée du pont, ce que j’ai pu voir d’en haut.
Au moment de traverser l’avenue pour rejoindre la bretelle, c’est la catastrophe. Je roulais à contresens, et un taxi m’a serré contre le trottoir. Focalisé sur le taxi, je n’ai pas fait attention à une bouche d’égout et la roue avant s’encastre dedans, bloquant le vélo. Chute à gauche, roue avant en huit. A moins d’un km du pont.
Le prophète a dit : « ce que la bouche d’égout a fait, la bouche d’égout peut le défaire ». Sitôt dit, sitôt fait, je détords +/- ma roue avec la bouche d’égout, en tous cas suffisamment pour qu’elle n’accroche pas le frein et me permette d’avancer.
Et je m’engage sur le pont, non sans passer à côté des pandores qui ne me prêtent aucune attention. Il est vrai qu’il y a un panneau d’interdiction aux piétons, mais rien pour les vélos. C’est quand même assez aérien, et les voitures qui passent à quelques cm rendent l’exercice assez risqué.
Mais je ne touche pas à mon frein avant et tout va bien.
Au bout du pont, un panneau me souhaite la bienvenue en Asie, et un autre me vante IHI, qui pourrait réaliser mes rêves, ce que je fais tout seul.
Photo au milieu du pont et selfie pour le souvenir à l’autre bout.
Je fais le retour en ferry, et cherche une boutique pour acheter un carton pour le vélo.
Dans le quartier du bazar voisin de l’hôtel, il y a des magasins de vélo et je regrette d’être limité en poids pour l’avion, j’aurais pu acquérir à peu de frais des éclairages légers et tout un tas d’accessoires bon marché.
Dîner le soir sur la partie asiatique par le ferry dans un restaurant branchouille, et retour en métro. Grande nuit bien calme, je commence à être conscient de la fin du voyage.
Départ avant 7h en reculant d’un km pour reprendre la route. Montées, descentes, la mécanique maintenant habituelle de cette grande route côtière.
A l’approche d’Istamboul, les problèmes s’accumulent. Il n’y a plus de file d’arrêt d’urgence, je suis contraint dans une bande de 30 à 40 cm où je cohabite avec une forte bande blanche, la saignée qui me suit depuis des centaines de km (câble de communication ?) et les bourrelets du goudron. Tout cela crée une certaine instabilité…Les voitures et surtout les petits cars me serrent. Il y a aussi une prolifération d’entrées/sorties qui m’obligent à couper des voies entrantes et sortantes pour garder le cap. A chaque fois, il faut se démonter le cou pour anticiper les trajectoires des voitures qui peuvent changer au dernier moment. Bref, tout cela est fatigant.
Arrêt à midi à Büyükcekmece où se tient une exposition internationale et se tourne un film. Je m’installe sur un trottoir à l’ombre et un homme s’arrête pour me donner un donut en m’expliquant qu’il fait aussi du vélo itinérant, et une femme me tient la jambe en allemand pour m’expliquer qu’elle a vécu 15ans en Allemagne. Marrant. Je repars et me trouve rapidement à court d’eau. Expérience renouvelée du refus de la part d’un pompiste de donner de l’eau. Je finis par m’arrêter dans un café de luxe pour prendre un café et obtenir de l’eau (que je paie plus cher que le café) après avoir reçu de l’eau chaude et du café plein un de mes bidons. Je ne m’en rends pas compte avant l’arrivée, mais ma montre a cessé d’enregistrer mes mouvements à cet endroit-là. J’ai fait 65km depuis le départ ce matin.
Je décide de quitter la route express et entrer en ville. Achat d’une cannette de Coca, conversation intéressante avec 2 soeurs étudiantes, à la suite de quoi je me fais vider par le cousin boutiquier qui a probablement des vues sur l’une d’elles.
Plus loin, surprise agréable, il y a une piste cyclable le long du littoral, qu’il faut suivre avec prudence car les pelouses sont envahies par une foule de Stambouliotes endimanchés et barbecueteurs qui empiètent allègrement sur la piste.
L’arrivée sur l’hôtel est un peu sportive, je me retrouve dans le capharnaüm du pont de Galatha, de la gare ferroviaire, du terminal des ferries. La distance totale du jour est probablement d’environ 100km, ce qui porte le voyage à plus ou moins 3000km depuis la maison.
Le quartier est très populaire, touristique, mais local. L’hôtel est simple et sympa, on remise le vélo à l’arrière en traversant le restaurant. Le personnel me reçoit avec le sourire.
Super dîner (13€) sur une terrasse dans une rue voisine, vue magnifique.
Nuit très calme, mais je me réveille plusieurs fois.
Départ tôt juste après 7h, le vent est absent, je veux en profiter avant qu’il se lève. Ce qu’il fait vers 9h, rendant la progression plus lente. La route monte et descend, un vrai bonheur. J’attends la descente définitive vers la mer et Tekirdag. La 11e montée est la plus tuante, 2,8km à plus de 7%. Mais c’est aussi la dernière et la descente se fait à fond la caisse. Je n’ai plus de compteur, pour le réinitialiser, il me faudrait mesurer la circonférence de la roue et surtout savoir comment entrer les paramètres dans la boîte.
Je rejoins la mer de Marmara à Suleymanpasa, l’entrée de Tekirdag, la station balnéaire avec une drôle d’architecture.
A Tekirdag, courses pour le déjeuner, et déjeuner dans un kiosque sur l’esplanade de la plage avec un gamin Turc qui bulle. Sieste sur place, je dors réellement au point que j’ai du mal à me retrouver au réveil. Et ça repart, le long de la côte, il n’y a plus de grandes dénivelées. Arrivée à Marmara vers 16h30, je ne trouve pas de super-marché et je continue. Je finis par trouver un petit épicier qui me vend du pain et de la viande séchée, super bonne. J’ai des difficultés pour trouver un endroit correct pour poser la tente. Finalement, je me glisse dans une résidence et essaie de me poser sur une plage privée, mais on me déloge gentiment en m’indiquant qu’il y a « un camping gratuit 1km plus loin ». C’est une zone de travaux abandonnés squattée et « administrée » par une harpie et sa famille. Je fuis et atterris sur une plateforme entre la route et la mer. Je monte la tente pour la dernière fois . Ce sera très bruyant et dur, mais c’est local et c’est la dernière nuit. A côté de ma tente, un petit monospace turc est garé, avec une tente sur le toit. Il y a un couple et 3 enfants qui n’arrêtent pas de monter et descendre l’échelle. La femme est voilée et porte un chador jusqu’aux pieds. Mais tout le monde se baigne plus ou moins habillé. Ils prennent un repas rapide et repartent après avoir replié la tente. Je reste seul sur ma plateforme.
Les panneaux indiquent Istamboul à moins de 80km, mais je pense qu’il ne s’agit que de l’entrée, car un calcul fait sur Google Maps avec le gamin à midi donnait Istamboul à 147km, et je n’en ai fait que 50 depuis. En tous cas, j’ai repéré l’hôtel sur mon GPS, et je sais à peu près comment y aller via l’aéroport Attaturk. ça sent la fin du voyage.
Nuit bruyante à cause de la route, et je me réveille avant la sonnerie.