J97 24/08/2017 Confluent de l’Himalaya, du Karakorum et de l’Indou-kouch

Départ tôt le matin, après des adieux circonstanciés à la famille Zaraf qui va dans l’autre sens : ils espèrent voir le paysage au col du Khunjerab. Le problème, c’est que le temps est épouvantable, la pluie menace, et ils ne verront probablement rien. Et nous non plus d’ailleurs, car nous sommes dans le même couloir, la vallée de la rivière Gilgit.

La route se déroule, cela ressemble de temps en temps à Combe Laval, et à d’autres moments aux gorges de l’Arly, mais l’échelle est différente, cela dure des centaines de km.

Il y a des camions pakistanais, très décorés, quelquefois très vieux, avec des portes en bois, des clochettes partout, des candélabres sur le pare-choc avant, des bouquets d’antennes en fibre de verres aux angles, des sentences religieuses peintes de tous les côtés, et des conducteurs qui nous saluent, le pouce levé, nous, le petit van tout crotté et poussif (enfin, dans la descente, ça va).

En fin de matinée, la vallée s’élargit brusquement, et un petit parking nous accueille. Nous sommes à un point singulier du Pakistan, et même du sous-continent : le confluent des rivières Gilgit et Indus. Ici se rencontrent l’Himalaya, le Karakorum et l’Indou-Kouch, 3 des plus hautes chaînes montagneuses du monde. Ces chaînes qui s’abaissent devant nous viennent de centaines et même milliers de km pour converger ici. Et l’eau qui en découle va aller se jeter dans le golfe persique à 2500 km de là, après avoir arrosé le Pakistan et l’Inde. L’Indus est l’un des trois grands fleuves indiens avec le Gange et le Brahmapoutre. Ces mots qui reviennent de nos mémoires d’écoliers sont magiques, nous voyons leur réalité ici.

La route est parfois très dégradée, il n’y a plus de revêtement, une seule file et les camions prennent la priorité.

Les villages, au début de la journée, sont typiques de la haute altitude : petits espaces clos, hauts murs épais pour se protéger du vent et du froid.

En fin de journée, après avoir fait des courses alimentaires à Naran, nous choisissons un camping pour passer la nuit. En fait, il n’y a pas de camping, c’est un espace pour pique-niquer et s’abriter du mauvais temps. Nous négocions avec le patron l’usage d’un espace sur une dalle en béton pour la nuit, avec accès aux toilettes en échange d’un dîner. Le gardien de nuit de cet espace voudrait bien nous voir plus près de lui et de son chien, mais nous ne sommes pas fanatiques du chien, nous restons sur notre dalle en béton. Ce qui est important, c’est de ne pas entendre la route (nous sommes dessous) et de ne pas être trop visibles. Nuit calme et presque sèche, il tombe quelques gouttes en milieu de nuit.

J96 23/08/2017 Le Karakorum

Il est 10h, nous nous présentons directement à l’entrée du site réservée aux piétons, et il faut attendre un petit quart d’heure pour que l’on nous admette à l’intérieur avec le K6. Pas de scanner des bagages à l’entrée, bonne surprise. Haha, mais c’est parce que l’on nous l’impose au niveau du bâtiment de sortie du territoire. Et nous charrions nos housses de couette, sacs de couchage, cartons de chaussures à travers le bâtiment d’un côté à l’autre. C’est hallucinant. Finalement, on voit que des ordres ont été donnés, mais l’efficacité n’est toujours pas là, il faut suivre des procédures faites pour les Pakistanais qui trimbalent des gros paquets mal ficelés contenant leurs pauvres affaires lors de transhumances qu’ils ne maîtrisent pas. On nous avait dit une demi-heure, et nous mettons presque 2 heures pour en sortir. Avec un militaire dans les bagages. C’est pour notre sécurité, Ali ne peut pas aller au col avec nous, donc on nous impose ce soldat qui ne parle pas un mot d’anglais. Nous comprenons qu’en fait, ils ont besoin que ce soldat monte au col et ils nous le fourguent comme laissez-passer. Cela nous sert une fois à doubler une courte file de voitures à un barrage. Il a dormi la plus grande partie du temps de la montée au col. Pas passionné par le paysage qui lui est imposé. D’où est-il ? Probablement d’une province du sud, les autorités n’aiment pas que les gardiens se rapprochent trop près de la population. Entre Tashkorgan et le col, le paysage se minéralise, les arbres disparaissent, et les pentes se verticalisent. La neige apparaît, les montagnes se montrent plus aiguës, agressives. La route monte régulièrement, le K6 ne souffre pas, le soldat dort et tout est calme. C’est une sorte de progression initiatique, les choses se révèlent petit à petit, et les hauteurs sont impressionnantes.

Noman’s land de 100m entre le dernier poste chinois et l’arche du col. Le fonctionnaire de service à la porte de sortie nous considère perplexe, mais finit par ouvrir et nous passons, direction le Pakistan, nous sommes à 4700m, c’est la frontière sur route la plus haute du monde.

Et le paysage est grandiose, même si des nuages obscurcissent les sommets. Ces sommets, ils paraissent aussi hauts que ceux que l’on voit depuis Chamonix. Sauf qu’ici, nous sommes 3700m plus haut. Si par exemple, on considère l’aiguille du midi à 3800m, les sommets peuvent être évalués à plus de 7000m. Et c’est beau., les glaciers sont partout autour, les pentes sont gothiques, les élancements vertigineux. Le souffle un peu court, nous ne restons pas, et passons la porte. Un fonctionnaire pakistanais nous accueille immédiatement derrière et nous ouvre un autre portail. Sourire de bienvenue. Dialogue comique. From here, we have to drive on the left, right ? Right. Oh, left or right ? Yes, right. What, right ? Is that left or right driving, here ?. Ha, our driving wheel is on the right, but we ride the road on the left. So you drive on the left. Thanks a lot…La descente commence, nous sommes contents parce que la montée s’est bien passée, le K6 n’a pas été trop poussif, et la route est globalement bonne, parfois excellente.

Immédiatement, le paysage change. La verdure est partout, il y a de l’eau, et beaucoup.

Le passage de la douane est une formalité rapidement expédiée, nous avons tous les documents nécessaires, le carnet de passage en douane est familier aux douaniers, en moins de 2 heures nous sommes réellement libres dans le pays, notre choix de dormir dans la voiture ne les a pas fait frémir. Le seul problème auquel nous faisons face est un péage quelques mètres après un poste de contrôle de police. En fait, comme nous venons de Chine, nous devons acquitter le droit d’entrée dans le parc national du Karakorum, et en roupies pakistanaises. Or, des roupies pakistanaises, nous n’en avons encore pas vu la couleur. Nous proposons des RMB chinois. Il fait un discount et accepte un billet de 100RMB pour nous deux. Notre but est de ne pas rester trop longtemps à cette altitude, nous continuons notre route le long de la rivière Gilgit vers le sud. D’ailleurs, des routes, il n’y en a pas tant que cela. Nous voudrions faire halte à Karimabad, un joli village station. Un panneau nous l’indique à gauche, nous croyions que c’était à droite. Bon, Françoise au volant s’engage sur le pont suspendu étroit qui y mène.

C’est juste, très juste, le pont se déforme sous le poids…mais ça passe. Par contre, de l’autre côté, il n’y a qu’un hameau, le chemin s’arrête là. Fausse route, nous avons même des difficultés pour faire demi-tour. Le pont ne s’effondre pas, et nous repartons, nous ne verrons pas Karimabad. Il faut dire que les panneaux de signalisation sont rares et souvent illisibles, soit parce qu’ils sont en ourdou, soit parce qu’ils sont vieux et usés. Un peu échaudés, nous cherchons un lieu desservi par une route asphaltée pour la nuit. Et c’est à Sekanderabad que nous apercevons depuis la route un terrain de sport près de la rivière qui pourrait peut-être faire un emplacement pour la nuit. Petite rue asphaltée presque jusqu’au bout, chemin menant au terrain trop occupé, mais à côté, il y a un endroit au dessus de la rivière, pelouse, arbres, horizontal, parfait. Le K6 à peine arrêté, deux hommes se dirigent vers nous, JL descend pour demander si nous pouvons rester là pour la nuit. La réponse arrive, attendue : ma maison est ici, vous pouvez entrer dans le jardin avec la voiture, soyez les bienvenus. Nous remercions, déclinons, mais acceptons l’offre d’une tasse de thé dans le grand jardin. Là, il y a 3 femmes qui accueillent Françoise chaleureusement, et l’une d’entre elles parle très bien anglais. Nous passons ainsi la fin de l’après-midi à discuter avec la famille de Zaraf, membre éminent de la famille royale de la province de Gilgit.

Le jardin est super, et on capte le wifi du bureau de l’éducation non loin. On nous presse de venir dans la maison que nous visitons et qui est fort confortable, mais nous insistons pour rester dans le K6 devant la porte, près de la rivière.

Nuit confortable dans le K6, malgré quelques gouttes de pluie en milieu de nuit.