Hier soir, c’était l’Asie telle que nous la connaissons, exubérante, gouailleuse, bruyante, extrêmement mobile. Ce matin, c’est fini. Plus de voitures ou motos garées dans tous les sens, plus de coups de klaxon, de bruits de moteurs. Le calme, étrange, inhabituel. Seuls les muezzins se répondent à grands coups de haut-parleurs durant de longues minutes. Le fête est finie ? Nous prenons notre petit déjeuner sur la terrasse de l’hôtel, appréciant un niveau de bruit reposé. Après avoir fait quelques travaux d’écriture, toilette et rangement, nous partons pour la visite du château de Lahore. Il nous faut repasser par les mêmes rues que la veille au soir.
Elles sont désertes. Seuls des hommes de service, sales, à l’air fatigué, nous regardent passer. Nous finissons par accepter l’offre d’une moto-taxi pour éviter de faire tout ce chemin dans ce désert. Ce qui nous fait comprendre en passant la différence entre une moto-taxi et un rickshaw : le conducteur de la première cherche d’autres clients pour compléter sa charge et le second va directement et exclusivement au but indiqué. La moto-taxi est donc moins chère mais moins rapide et confortable. Au passage, malgré une négociation serrée, le conducteur nous indique les noms des monuments, et fait des commentaires que nous comprenons à moitié, à cause du bruit du moteur et d’un accent incompréhensible. Nous ramassons une passagère supplémentaire qui nous tourne le dos et voyage à l’envers.
Le fort de Lahore, c’est un peu la tour Eiffel du lieu. Tout le monde y va. Surtout les gamins, qui nous tournent autour en réclamant (ou non) des selfies que nous finissons par refuser sans distinction, agacés par ces mouches qui nous tournent autour, nous regardent avec insistance à 30cm et ricanent bêtement quand nous leur parlons.
Du fort, il ne reste que des squelettes de bâtiments. Aucune décoration n’a passé les étapes de l’histoire mouvementée de Lahore, et les irrespects récents des visiteurs. Il y a des tags partout, et surtout sur les marbres blancs. Le fort est sous juridiction des parcs de la ville, les jardins sont donc bien tenus et propres. Il y a des bâtiments qui retiennent l’attention, comme un petit hall avec un toit en forme de coque de bateau retournée constituée de plaques fines de marbre agrafées, magnifique de pureté de lignes.
Il y a des restes d’aménagements luxueux comme une immense vasque superbe au centre d’une cour avec des formes arrondies et souples, toute en marbre blanc. Il y a des rénovations en cours avec l’aide de pays étrangers, les miroirs de la salle d’audience par exemple. Il faudrait plus d’efforts, plus de contraintes au public pour sauvegarder et restaurer. Par endroits, on arrive à imaginer quel pouvait être le luxe de ce qui était plutôt un palais qu’un fort.
Déjeuner d’un hamburger local juste à la sortie du fort.
Nous ressortons en direction de la vieille ville où nous n’avons pas eu l’audace de pénétrer la veille au soir. Là aussi, les bazars sont déserts, les rideaux de fer baissés. Peu de gens, peu de circulation. Les rues étroites nous livrent des ouvertures aveugles, absentes d’activité. Nous nous rendons compte que les seuls métiers que nous rencontrons sont les équarrisseurs dont le travail n’est apparemment pas fini.
L’abattage continue. Seulement, nous ne voyons rien, tout se déroule maintenant dans les cours, derrière les façades fermées. Ce que nous pouvons voir, c’est que les rues ont été balayées et les trottoirs arrosés d’une poudre blanche que nous pouvons imaginer être du désinfectant pour éviter la prolifération des parasites. Il y a eu un réel effort de propreté. Les bennes à ordures sont cachées derrière des tentures. Cependant, quelques traces subsistent çà et là. Taches de sang ; peaux s’échappant de sacs en plastiques ; viscères débordant sur le trottoir ; l’odeur surtout de la viande, insistante, permanente. Nous nous fendons de jus de fruits frais délicieux pour nous rafraîchir. Finalement, nous profitons un peu de ce lendemain de fête : les rares passants que nous rencontrons nous sourient et acceptent ou demandent des photos.
Une petite sieste pour nous reposer de la chaleur, et nous repartons vers 17h pour aller à la frontière voir la relève de la garde. Embouteillage monstre dans les travaux du métro. Nous arrivons au bout des 25km 1h après être partis de l’hôtel. Le douanier nous informe navré que la cérémonie était à 17h30. Demain, ce sera 16h30, et pas pour nous, car la barrière ferme une heure plus tôt. Comme nous voulons passer la frontière demain, nous devons y être avant 15h30 ! Le plan sera de voir la cérémonie du côté indien.
Retour vers l’hôtel et embouteillage dans l’autre sens évidemment. Quelle galère. Où est notre voyage dans les paysages magnifiques du Karakorum ?
Un peu écœurés par cet aller et retour inutile, nous allons manger une pizza dans le fast-food du coin (pas local) et au lit. Le garde est de nouveau assis au pied du K6.